Lundi 20 février 2023 – Momies

Manu, ma monnaie, marmonna Mamie. Notre Mamie ne s’arrange pas. Elle avait déjà une tendance à répépier. Et depuis le bébé, elle gagate complet. Genre « c’est que du bonheur ». Ça devient pénible, surtout pour moi, qui suis son mari. Et toutes ces rengaines. Et les corvées qu’elle m’inflige : Mets la table. Ouvre les volets. Change ta chemise. Quelle réssègue ! Il me faut trouver rapido un moyen de neutraliser ces radotages. L’idéal serait de lui engourdir la langue, juste pour qu’elle ne puisse pas parler autant. Peut-être une piqûre d’opium, une anesthésie à l’éther ?

C’est alors que j’ai entendu parler de cette exposition « Momies, corps préservés, corps éternels », visible au Museum jusqu’au 2 juillet. Et si nous faisions momifier Mamie ? J’ai parlé de mon idée à nos deux garçons. D’abord interloqués, ils m’ont ensuite donné l’impression d’avoir envie de creuser le sujet.

Et nous voilà tous ensemble partis pour la visite au Museum. Mamie est détendue, elle n’a pas l’air de se douter de quelque chose, tant mieux, il vaut mieux que ça se passe comme ça.

Nous commençons par la salle de l’Egypte antique. On y voit de véritables momies, dont celle d’un enfant particulièrement émouvante. On s’intéresse aux techniques ancestrales de momification naturelle, à base de bitume, cire d’abeille et résine. On découvre une momie qui pourrait être celle de Mamie, paisiblement allongée sur son lit. Une technique éprouvée, avec une expérience longue de cinq millénaires. Une immortalité garantie, avec en plus de bonnes chances de finir dans un musée. Voilà qui pourrait faire l’affaire. Malheureusement cette technique est trop onéreuse pour nous, avec le coût des embaumeurs, des rites funéraires et des pleureuses, sans compter le prix du sarcophage. Et en plus Mamie demande à ce qu’on fasse aussi momifier son chat, pour lui tenir une compagnie éternelle.

Nous nous sommes alors dirigés vers la deuxième salle, celle des momies andines. Accompagnées des poupées funéraires, les muñecas, elles ont un côté très séduisant. Moins sophistiquées que les momies égyptiennes, elles ne donnent pas toutes les garanties de longévité. Et puis il faudrait aller sur place, et avec la barrière de la langue, risquer que Mamie se fasse réduire la tête par des Jivaros. Mamie rigole, comme si elle ne le prenait pas pour elle.

La troisième salle est consacrée aux momies naturelles. Certaines conditions environnementales permettent en effet de préserver les corps, comme par exemple la sécheresse, le sel, les tourbières … et bien sût la glace. La momie la plus célèbre dans cette catégorie est celle d’ Ötzi, un homme momifié naturellement, vieux de 5 300 ans, qui a été retrouvé en 1991 dans un glacier des Alpes entre l’Autriche et l’Italie. Tu n’aimerais pas te faire congeler dans un glacier pyrénéen, toi qui es née à Lourdes ? Mamie répond qu’il n’y aura plus de glaciers dans les Pyrénées quand elle sera morte.

La quatrième et dernière salle présente quelques méthodes scientifiques de conservation des corps. On y découvre différentes techniques comme les inclusions dans la résine, la plastination, la diaphanisation … et bien sûr la conservation dans des fluides. Je mettrais bien mamie dans le formol. Ou dans la naphtaline. Mes enfants posent des questions bizarres. Et non, ces techniques ne sont pas spécifiques aux mamies, elles sont en quelque sorte unisexe.

Mamie me demande alors ce que je prendrais pour moi. Perso, je serais assez partisan de la cryogénisation, avec la perspective de pouvoir un jour revenir à la vie.

C’est là que les enfants me disent « eh bien va pour la cryogénisation ». Stupeur ! Je comprends tout d’un coup que mes garçons et Mamie sont de mèche et que c’est moi qu’ils ont choisi de momifier. Pourtant je suis loin d’avoir perdu la tête, mon cerveau me le dit et me le redit tous les jours.

Prochaine lettre le 6 mars, si je ne me suis pas fait congeler d’ici là.

Lundi 13 février 2023

Certes, ce n’était que de l’art contemporain, et ça ne fera pas pleurer grand monde. Mais quand même, la fermeture de l’Espace Ecureuil, programmée pour mi- mars, est une bien triste nouvelle. Idéalement située place du Capitole, cette Fondation pour l’Art Contemporain, mécénée par la Caisse d’Epargne, est ouverte depuis le milieu des années 90. Elle nous a offert un grand nombre d’expositions toujours singulières, poétiques, gracieuses, étonnantes … De quoi prendre goût à l’art contemporain, ce qui n’était pas forcément gagné. La qualité des expositions doit également beaucoup à l’âme du lieu, avec ses colonnes de chêne et ses caves de briques. Merci donc à Sylvie Corroler-Talairach qui en était la directrice et à tous ceux qui m’ont rendu ce lieu si précieux. Un coucou particulier pour la jeune femme de l’accueil qui me reconnaissait à chacune de mes visites. Ce qui est déjà en soi une forme d’art contemporain.

La dernière exposition est encore visible jusqu’au 18 mars. Elle s’intitule « Horizons olfactifs », comme un pied de nez à ce qu’on ne verra plus. Ecoutons Sylvie C-T : Il nous est demandé, à nous spectateurs (ceux qui voient une chose) de devenir aussi renifleurs (ceux qui la sentent, dans toute sa dimension animale). Pour vous donner une idée de ce qu’on peut y trouver, je vous mets une photo d’une rape à citron, celle de jolies moisissures et celle du sol de la cave jonché de lavande.

Consolation pour les heureux habitants du Lot : l’artothèque de Cahors propose un abonnement annuel qui permet d’emprunter jusqu’à trois œuvres à la fois. Comme par exemple cette œuvre de Jean-Pierre Pincemin qui orne le mur de ma chambre. Elle représente un écureuil un peu cabossé et mal en point.

Le concert de la semaine, qui aura lieu le 15 février dans la salle Nougaro, c’est celui de David Walters, un musicien aux vies multiples. Une première vie comme sportif de haut niveau, une deuxième comme globe-trotter pour les besoins d’une émission de télé. Et une troisième vie donc comme musicien. D’influence afro-caribéenne, une bonne influence, il chante en créole, et aussi en anglais, une mauvaise influence. Il a plusieurs albums derrière lui, dont « Soleil Kréyol » en 2020. Je vous en extrais « Manyé ». Son avant-dernier album « Nocturne » est sorti en février 2021 et il a été réalisé avec Ballake Sissoko (kora), Vincent Segal (violoncelle) & Roger Raspail (batterie). Et justement c’est dans cette formule qu’on le verra salle Nougaro. Ecoutez par exemple « Vansé ».

Vous me dites que vous l’avez déjà vu Sissoko au Sénéchal l’autre jour ? C’est que vous confondez avec Cissoko. Déjà qu’ils se ressemblent tous, si en plus ils ont le même nom … Ballaké Sissoko est une figure légendaire de la kora. Je vous en avais parlé ici, quand il était passé dans la salle Nougaro avec Kassé Mady. Il était déjà en compagnie du violoncelliste Vincent Segal. Ces deux musiciens jouent en première division et ils viennent d’ailleurs de s’acoquiner avec Emile Parisien et Vincent Peirani, c’est dire le niveau. Ils nous proposent deux titres, « Banja » et « Ta Nyé », à écouter ici.

Encore quatre concerts notables :

  • Le 14 février, à Saint Pierre des Cuisines, le Sirba Octet dans le cadre des Arts Renaissants.
  • Le 16 février, au Rex, le KKC Orchestra avec CPC (Collectif Passatges en Couserans). Deux projets, deux identités, venus du Lot et de l’Ariège, se rencontrent pour fusionner leurs sonorités aux accents de musiques traditionnelles et de hip hop (Clutch). On a pu récemment écouter le KKC à l’Espace Job dans le cadre du festival Détours de Chant.   
  • Le 17 février, salle Nougaro, Laurent Bardaine et le Tigre d’eau douce.
  • Le 24 février au Taquin, Olivier Témime avec les tauliers Akim Bournane et Tonton Salut, dans un hommage à Sonny Rollins. Les mêmes seront la veille à 12h 30 salle du Sénéchal. C’est gratuit mais il faut arriver une heure avant pour espérer une place …

Enfin, mercredi 15 février à 19h, Annie Cazenave, chercheur émérite au LEGOS, membre de l’Académie des Sciences, donnera à la Cité de l’Espace une conférence intitulée « Hausse du niveau de la mer et climat : le rôle de l’observation spatiale ». Le climat ? Je vous entends déjà : on n’a pas encore fini de pleurer sur l’écureuil que tu veux nous faire pleurer sur les ours blancs ?

Lundi 6 février 2023 – Spécial jeux de société

Après le jeu des innovations insolites du 19 décembre, voici un numéro spécial sur le jeu de société.

L’auteur numéro 1 de ce blog prend des vacances bien méritées (oui, il est retraité mais jeune grand-père, c’est un sacré boulot) et la vie culturelle toulousaine est aussi en vac… Faux, la culture ne s’arrête jamais.

À Toulouse, il y a de nombreux bars à jeux où vous pourrez découvrir des jeux autour de boissons alcoolisées ou non (si jamais, vous allaitez par exemple ou que vous avez moins de 18 ans ou que les fêtes ont été un peu trop arrosées, personne ne vous jugera) ou bien des boutiques comme le Passe-Temps. Cette boutique, située rue des Lois juste à côté d’un super bar (pas à jeux celui-là), possède un site internet pour nos lecteurs de l’étranger (c’est-à-dire au-delà de l’A620) et une chaîne YouTube de génie.

Les jeux sont hypers variés et conviennent à tout le monde. Il faut juste que vous trouviez le vôtre. Il y en a pour tous les âges (on connaît tous l’adage de 7 à 77 ans) et toutes les bourses. Il y en a pour jouer seul (est-ce qu’un jeu en solo peut être considéré comme un jeu de société ? Vous avez 4 heures, calculatrice autorisée) ou à 99 (si vous avez une famille extrêmement nombreuse et dans ce cas-là, respect absolu pour les couches). Des jeux courts avec des règles très simples, parfaits pour l’apéro, et d’autres qui vous embarqueront pour des après-midi entières (voire plusieurs). Il y a des jeux pour se faire des copains et d’autres pour détruire des amitiés. Des jeux de stratégie ou de hasard, des jeux de cartes ou des jeux un peu plus étonnants. Des jeux pour s’évader totalement à combattre des hordes de zombies et d’autres où vous serez dans la peau d’un promoteur immobilier.

Cet article est donc pour tous ceux qui ont en marre du Rami et du Monopoly car trop répétitif ou qui sont choqués que certains mots soient désormais interdits au Scrabble.

En voici une petite liste :

  • La Flamme Rouge, un jeu pour les passionnés de la Vuelta, du Giro et autre tour de France. Après, vous pouvez quand même perdre contre votre mère qui pense que Pantani est une marque de pâtes, Armstrong un chanteur de blues et Alain Philippe (nom de famille inconnu) un coureur français.
  • TTMC (tu te mets combien), un Trivial Pursuit d’un nouveau genre. De nombreux thèmes et vous répondez en fonction de vos connaissances. Plus c’est dur, plus vous avancez vite. Si par exemple, le thème est vie culturelle toulousaine et que vous ne lisez jamais la Vie en rose, vous tentez la question la plus facile pour un point : Comment s’appelle le chanteur des chansons « Amstrong » et « Toulouse » ? Claude Nougaro ou Antoine Dupont ? Fastoche ? Peut-être, mais vous n’avancerez que d’un point. Alors continuer de lire la Vie en rose au moins si vous voulez gagner à ce jeu.
  • The Crew, un jeu de pli collaboratif. Vous adorez la belote mais vous en avez marre des équipes déséquilibrées ou que l’équipe adverse ne fasse que parler des problèmes de cœur de Caro car son copain lui pique ses trèfles à 4 feuilles. En plus, vous aimez l’Espace. Alors, ce jeu est pour vous. Et à The Crew, comme c’est collaboratif, vous aurez forcément des bons partenaires, vous n’êtes pas obligé d’avoir une bonne main.
  • Esquissé : Quand vous étiez petits (ou jeunes), vous adoriez le téléphone arabe et Pictionnary. Vous savez déchiffrer les hiéroglyphes ? À cause (ou grâce à) de Jean Michel Blanquer, vos cours d’art plastiques ont été supprimés. Esquissé est alors fait pour vous. Si vous êtes nuls en dessin, c’est encore plus drôle, il faut juste essayer =)
  • Orléans, Carcassonne ou Istanbul : Le jeu peut vous permettre aussi de voyager dans des villes magnifiques /belles /étonnantes /capitale du Loiret (rayez la mention inutile).  Certes, vous ne serez pas expert d’Istanbul si vous y jouez (quoi que meilleurs que certains experts de Cnews) mais pendant 1 heure environ, vous serez dans la peau d’un caravansérail dans le bazar stambouliote à tenter de gagner le plus de rubis.
  • Exploding kittens : Vous piochez des cartes, certaines sont des bonus, d’autres des chatons explosifs qui vous font perdre. Un jeu avec des chatons explosifs ? C’est forcément tentant, n’est ce pas ? Attention, ne jouez pas à ce jeu dans un bar à chat. Ça pourrait être problématique avec les autres clients si vous commencez à parler d’exploser des chats.
  • Le 6 qui prend : Le genre de jeu où on a notre stratégie aux petits oignons, où chaque coup est calculé, prévu, anticipé. Mais toute notre stratégie tombe à plat parce que oui Coralie, si tu avais le 47, tu aurais dû le mettre au tour d’avant, en le mettant maintenant, non seulement tu me fais perdre, mais en plus, tu perds toi-même. Quoi ? Non je ne râle pas, c’est juste que je vais perdre alors que j’ai la meilleure stratégie, tout ça parce que MADAME Coralie n’avait pas vu que dans son jeu elle avait le 47 alors oui, je suis un petit peu chafouin. (toute ressemblance avec des évènements ayant déjà eu lieu n’est que purement fortuite).

Bref, ceci n’est pas une liste des meilleurs jeux selon un jury indépendant. Il existe un nombre infini de jeux (enfin pas infini au sens strictement mathématique) pour un nombre fini de joueurs. Donc quoi qu’il arrive, vous trouverez chaussure à votre pied (enfin pas au sens strictement littéral). Et, vous savez, moi je ne crois pas qu’il y ait de bons ou de mauvais jeux de société. Moi, si je devais résumer le jeu aujourd’hui avec vous, je dirais que c’est d’abord des rencontres, des gens qui m’ont tendu la main, un livret de règles ou des cartes peut-être à un moment où je ne voulais pas sortir, où j’étais seul chez moi.